Question
L’hypothése classique est la suivante :
- Mr X a souscrit une Assurance vie,
- Mr X doit 100 000 Euros à sa Banque en vertu par exemple d’un prêt immobilier dont la déchéance du terme a été ordonnée par la Banque.
La Banque peut-elle saisir le contrat d’Assurance vie ou plus précisément la valeur de rachat du contrat qui n’est pas dénoué ?
Réponse
L’Article L. 132-14 du Code des assurances répond par la négative :
Sous réserve des dispositions des articles L. 263-0 A et L. 273 A du livre des procédures fiscales, de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités
territoriales et du II de l'article 128 de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004, le capital ou la rente garantis au
profit d'un bénéficiaire déterminé ne peuvent être réclamés par les créanciers du contractant. Ces derniers ont seulement droit au remboursement des primes, dans le cas indiqué par l'article L.
132-13, deuxième alinéa, en vertu soit de l'article 1341-2 du code
civil, soit des articles L. 621-107 et L. 621-108 du code de commerce.
La Cour de cassation applique cette solution selon laquelle la valeur de rachat du contrat est insaisissable au motif que “tant que le contrat n'est pas dénoué, le souscripteur est seulement investi, sauf acceptation du bénéficiaire désigné, du droit personnel de faire racheter le contrat et de désigner ou modifier le bénéficiaire de la prestation ; que, dès lors, nul créancier du souscripteur n'est en droit de se faire attribuer immédiatement ce que ce dernier ne peut recevoir” (Cass. 1re civ., 28 avr. 1998; Juris-Data n° 1998-001861. – 2 juill. 2002 : Juris-Data n° 2002-015086), motif récurrent repris régulièrement par les juges du fond constatant que, durant la vie du contrat, le souscripteur n'est pas propriétaire des fonds versés à l'assureur et qu'il est seulement titulaire d'un droit personnel de rachat et de désignation du bénéficiaire (CA Paris, 8e ch. B, 15 mars 2001 : Juris-Data n° 2001-146722. – 5 avr. 2001 : Juris-Data n° 2001-160334. – 21 juin 2001 : Juris-Data n° 2001-155056. – CA Paris, 8e ch. B, 23 mars 2000 : Juris-Data n° 2000-110631 ; – CA Caen, 1re ch., 13 mars 2001 : Juris-Data n° 2001-141745. – CA Toulouse, 3e ch., sect. 2, 16 févr. 1999 : Juris-Data n° 1999-041846. – CA Pau, 2e ch., 8 avr. 1999 : Juris-Data n° 1999-041005).
La Cour de cassation a encore confirmée cette jurisprudence classique selon laquelle la valeur de rachat d'un contrat d'assurance -vie ne peut etre saisie par un créancier ( tel qu'une Banque ) du souscripteur du contrat tant que le contrat n'est pas dénoué.
Cass. 2e civ., 10 févr. 2011, n° 10-12.172 :
" Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que, pour avoir paiement d'une créance contre M. K., domicilié en Nouvelle-Calédonie, Mme B., y étant également domiciliée, a fait, le 8 novembre 2001, une saisie-arrêt sur un contrat d'assurance sur la vie souscrit par ce dernier auprès de la société Natio-Vie, aux droits de laquelle se trouve la société Cardif assurance vie ; que cette saisie a été validée par un jugement irrévocable du tribunal de première instance de Nouméa notifié, le 7 mai 2004, au tiers saisi qui a déclaré ne pouvoir y donner suite car le bien n'était pas saisissable ; que Mme B., reprochant au tiers saisi d'avoir, en 2006, versé à M. K. la valeur de rachat du contrat qu'il avait fait valoir, l'a assigné en paiement des causes de la saisie ;
Attendu que, pour accueillir la demande, la cour d'appel retient que si, à la date de la saisie, le contrat d'assurance sur la vie souscrit par M. K. n'était pas dénoué, la société Cardif assurance vie, en versant les fonds à M. K. après qu'il ait demandé en février 2006 le rachat du contrat, s'était reconnue débitrice de ce dernier ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, tant que le contrat n'est pas dénoué, nul créancier du souscripteur n'est en droit de se faire attribuer ce que ce dernier ne peut recevoir et qu'au jour de la saisie, la société Cardif assurance vie n'était pas débitrice de M. K., la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 décembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles (...)."
De même le redressement ou la liquidation judiciaires du souscripteur sont également sans effet sur la valeur de rachat du contrat, puisqu'elle est censée n'avoir jamais fait partie du patrimoine du contractant commerçant (Cass. com., 25 oct. 1994).
Les créanciers du souscripteur ne disposent d'aucun droit sur le capital ou la rente garantis au profit d'un bénéficiaire déterminé (C. assur., art. L. 132-14.) ainsi que, selon la jurisprudence, sur la valeur de rachat du contrat. Ils n'ont pas, non plus, de droit sur les primes payées. Ils ne peuvent en revendiquer le retour à l'actif que dans la mesure où elles ont été “manifestement exagérées eu égard aux facultés” du souscripteur, leur débiteur (C. assur., art. L. 132-13), et “en vertu soit de l'article 1341-2 du Code civil, soit des articles 107 et 108 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises” (C. assur., art. L. 132-14).
L'article 1341-2 du Code civil a trait à ce qu'il est convenu d'appeler “l'action paulienne”, action qui ne peut prospérer que si le créancier administre la preuve de ce que l'acte critiqué a été conclu en fraude de ses droits. Autrement dit, outre le caractère excessif des primes, le créancier doit démontrer que le paiement constitue un acte d'appauvrissement fait en fraude de ses droits.
La loi du 25 janvier 1985 dispose, à l'article 33 (devenu, C. com., art. 621-24), que “le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture”, et que tout paiement effectué en violation de ces dispositions est annulé à la demande de tout intéressé.
En ce qui concerne les actes passés depuis la date de cessation de paiement, les articles 107 et suivants (devenu C. com., art. 621-107) prévoient un certain nombre de nullités tendant à éviter que le débiteur diminue son patrimoine, gage de ses créanciers.
La loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013, qui a modifié l'article L. 263-0 A du Livre des procédures fiscales, a remis en cause, au seul profit de l'administration fiscale, l'insaisissabilité qui s'attachait au capital d'une assurance-vie.
Cette insaisissabilité était fondée sur l'analyse traditionnelle résultant du mécanisme de la stipulation pour autrui, l'assurance-vie ne donnant lieu qu'à une créance éventuelle tant que le contrat n'a pas été dénoué par le décès du souscripteur ou le rachat par celui-ci. Ce texte lui a ainsi substitué l'analyse d'une possibilité de rachat forcé, limitée à la valeur rachetable, par le biais de l'avis à tiers détenteur, délivré dans les conditions des articles L. 262 et L. 263 du Livre des procédures fiscales dont il résulte un effet attributif immédiat comparable à celui de la saisie-attribution.