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Cabinet d'Avocat Jacques VOCHE ASSURANCE-VIE, ÉPARGNE, FINANCE
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2ème condition de la responsabilité de l'assurance : l’intermédiaire ne doit pas avoir commis un abus de fonction

La deuxième condition pour que l’assurance soit condamné à rembourser les primes détournés réside dans l’exigence que le mandataire ne doit pas avoir agi « hors de ses fonctions auxquelles il était employé, sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions » (Cass. 2e civ., 16 juin 2011, n° 10-21.021, F-D, Sté Assurances mutuelles Le Conservateur c/ C. : JurisData n° 2011-011763 ; Cour de cassation, Assemblée plénière 19 Mai 1988 N° 87-82.654 Numéro JurisData : 1988-000836).

 

Il ne suffit pas en effet que le détournement ait été commis par un salarié ou un mandataire d'une compagnie d'assurance pour que celle-ci réponde automatiquement du dommage.

 

Il faut encore que le préposé ou le mandataire est agi dans le cadre de ses fonctions car à défaut, il est considéré comme ayant abusé de ses fonctions et la société d’assurance n’est alors pas responsable des détournements qu’il aurait commis.

 

Les indices retenus par les Tribunaux

 

Concernant la condition d'agissement hors fonction, elle s'apprécie à travers divers indices objectifs tels que le temps et le lieu du détournement et les moyens procurés au mandataire par ses fonctions, ainsi qu'en témoignent les arrêts rendus par la Cour de cassation cités ci-après.

 

Ces arrêts retiennent la responsabilité de l’assurance, bien que le mandataire ait manifestement agi à des fins étrangères à ses attributions, au motif qu'il se trouvait dans l'exercice de ses fonctions au regard égard de ces indices.

 

Parmi ces indices, figure le fait que :

 

1- le mandataire a accompli les détournements grâce au moyen fournis par l’assurance 

 

Cass. 2e civ., 16 juin 2011, n° 10-21.021, F-D, Sté Assurances mutuelles Le Conservateur c/ C. : JurisData n° 2011-011763

 

«  les sociétés Assurances mutuelles Le Conservateur et Conservateur finance …ont confié à M. V. un mandat pour conclure des contrats d'assurance sur la vie et encaisser les primes et cotisations des souscripteurs ;

… l'arrêt retient que M. V., qui a remis aux consorts C. des contrats d'assurances sur la vie falsifiés et détourné à son profit les sommes qui lui ont été versées, a établi les fausses conditions particulières sur du papier à en-tête du groupe Le Conservateur, les contrats étant revêtus de sa signature, avec la référence de son numéro de mandat, et d'une autre signature pour « le directeur général » ; que l'attestation de réception des versements, qui reproduit les références du contrat, était présentée comme émanant de la direction du groupe Le Conservateur ; …les documents comportaient, outre les mentions précitées, la dénomination du placement, le numéro de contrat, le nom du souscripteur, le montant du versement reçu avec un numéro d'accord, et le taux garanti ; …Que, de ces énonciations et constatations, la cour d'appel, … a pu déduire, en motivant suffisamment sa décision, que M. V. avait agi dans ses fonctions de mandataire et que les sociétés d'assurances ne s'exonéraient pas de leur responsabilité »

 

Cass. 1e civ., 28 octobre 1997, n° 95-19.255 :

Dans cette décision, la Cour de cassation approuve une Cour d’appel qui avait condamné la société d’assurance à indemniser des victimes de détournements effectués par son mandataire en retenant que le local du mandataire « était surmonté d’une vaste pancarte » portant le nom de l’assurance et que de très nombreuses correspondances adressées par le mandataire à l’assuré portaient l’entête de la société d’assurance.

 

2- le mandataire a agi au lieu et au temps de travail  

Cass. 2e civ., 24 mai 2012, n° 11-10.856, FS-D, H. c/ Sté Allianz Vie : JurisData n° 2012-014432

« M. H. a souscrit plusieurs contrats d'assurance sur la vie dont la gestion était confiée à M. J., préposé de la société AGF Vie, devenue Allianz Vie…. des chèques ont été établis par M. H. sans indication du bénéficiaire désigné et remis à M. J. au bénéfice de l'assureur ; …que la réitération de tels versements entre juin et décembre 2003 pour un montant de 36 269 euros sans mention du bénéficiaire, ni remise d'un bulletin de reversement ou de souscription, ni affectation convenue, outrepasse les limites de la confiance pouvant résulter des relations fréquentes entretenues entre M. H. et M. J. ; Qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que M. J. avait agi au temps et sur le lieu de son travail et avait trouvé dans ses fonctions l'occasion et les moyens de réaliser le détournement à son profit personnel des sommes confiées par M. H. au bénéfice de l'assureur, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ; »

 

Cass. crim., 12 janv. 2011, n° 09-88.508, F-D, Cie Axa France Vie : JurisData n° 2011-001015

 

« Attendu que, pour déclarer la demanderesse civilement responsable de son préposé, l'arrêt retient que les délits d'escroquerie et faux commis par celui-ci l'ont été dans le cadre de son activité salariée, pour le compte de son employeur, pendant son temps de travail, sur les lieux de celui-ci, et avec les moyens mis à sa disposition ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, exemptes d'insuffisance comme de contradiction, la cour d'appel, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a justifié sa décision ; »

 

A l’opposé, lorsque le mandataire a agi sans utilisation des moyens mis à sa disposition par l’assurance et en dehors du lieu et du temps de travail, l’assurance n’est pas responsable des détournements commis par son mandataire :

 

Cass. 2e civ., 13 sept. 2012, n° 11-25.786, F-D, J. c/ SA Generali IARD et a. : JurisData n° 2012-021125

 

Mais attendu que l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que M. R., salarié de l'assureur à la date du placement et des remises litigieuses, a rencontré Mme L. à l'occasion de fonctions antérieures, comme employé de banque ; qu'il lui a fait souscrire divers produits proposés par l'assureur à partir de 1995 ; qu'à l'occasion de la souscription des bons de caisse litigieux, Mme L. n'a pu manquer de constater qu'aucun des documents remis ne portaient la mention de l'assureur et que les bons souscrits étaient à l'en-tête de la société Sofracad ; qu'ils indiquaient que cette société avait pour objet « la prise de participation, le capital risque et la gestion administrative et financière » ; que rien dans ces documents n'était de nature à persuader Mme L., non-juriste mais possédant une formation universitaire, qu'elle contractait avec l'assureur, alors que figurait de manière apparente la dénomination sociale, l'objet social et le siège social d'une société distincte ; que connaissant parfaitement les possibilités offertes par les contrats d'assurance sur la vie proposés par l'assureur, Mme L. ne pouvait ignorer que les bons de caisse de la société Sofracad n'étaient pas de même nature ; que la transaction ayant eu lieu au domicile de Mme L., il est exclu que celle-ci ait pu être induite en erreur sur l'identité de l'émetteur des titres par sa réception dans les locaux de l'assureur ;…

Que de ces constatations et énonciations procédant de son appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve, la cour d'appel, effectuant la recherche prétendument omise et répondant aux conclusions par une décision motivée dénuée d'ambiguïté, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu déduire que M. R. avait agi hors du cadre de ses fonctions, sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions et que Mme L. n'avait pu légitimement croire qu'il agissait pour le compte de l'assureur ».

 

Cass. 2ème civ., 24 mai 2012, n° 11-11.132, inédit:

 

Dans cette espèce, la cour d’appel s’était« fondée sur les seules circonstances prises, d’une part, des paiements effectués par M. X... , non directement au profit de l’assureur, mais à celui de son agent général, d’autre part, de la remise par l’agent général à son client d’un contrat non signé par le directeur administratif de la compagnie d’assurance et, enfin, du fait que les courriers en date des 21 juillet 1999 et 9 mars 2000 adressés par M. Y... à M. X... avaient été rédigés sur un papier à en-tête «ASSURANCES», sans mention expresse de la compagnie «AGF», pour en conclure qu’à défaut de s’être interrogé sur la qualité exacte de M. Y..., M. X... ne pouvait réclamer à la compagnie d’assurance l’indemnisation du préjudice résultant des détournements de fonds commis par l’agent général à son détriment ».

La Cour de cassation approuve la Cour d’appel d’avoir constaté, « par motifs propres et adoptés, que M. Y... avait la qualité d’agent général, mandataire de l’assureur, et retenu que les agissements de M. Y... relevaient de l’abus de fonction, le grief tiré du défaut de recherche de la qualité de mandataire apparent est inopérant ».

 

De même lorsque le mandataire n’a pas le pouvoir de recevoir le paiement des primes et que l’assuré en est informé, l’assurance n’est pas responsable des détournements commis par son mandataire :

 

Cass. 2e civ., 11 oct. 2007, n° 06-16.520 : JurisData n° 2007-040752:

« les consorts X... et M. Y... n’ont pas respecté la procédure de règlements en espèces prévue, de manière claire et lisible, par les formulaires de demande de souscription de titres de capitalisation au porteur selon laquelle ces versements interviennent auprès d’un guichet bancaire ou postal sur le compte de Zurich Vie France en présence de l’agent d’assurances et qu’en l’absence de remise de titres au porteur dans le délai de 2 mois, les consorts X... devaient prendre contact avec la société Zurich ainsi que cela ressortait desdits formulaires ;

 Qu’en l’état de ces constatations et énonciations, la cour d’appel a pu déduire que M. Y... agissait hors de ses fonctions et décider que la responsabilité de la société d’assurances en tant que commettant n’était pas engagée ; »

 

La prise en compte de la croyance de l’assuré

 

 La Cour de cassation, en tenant compte des divers indices objectifs tels que le temps et le lieu du détournement et les moyens procurés au mandataire par ses fonctions, se place sous l'angle du préposé pour déterminer s'il avait agi ou non dans le cadre de ses fonctions : elle se réfère ici à une conception objective du critère « dans l’exercice de ses fonctions ».

 

Or, cette conception est concurrencée par une conception subjective qui se fonde sur la croyance du souscripteur.

 

C'est ainsi qu' une cour d'appel a été censurée faute d'avoir justifié qu'à la date de remise des fonds, le preneur « ne pouvait légitimement croire que M. X... n'agissait pas à l'occasion de ses fonctions de mandataire de l'assureur » (Cass. 2e civ., 7 févr. 2013, n° 11-25.582 : JurisData n° 2013-001544).

 

Dans cette affaire les négligences de la contractante étaient pourtant nombreuses, à quoi s’ajoutait que celle-ci était une retraitée de l’administration fiscale, ce qui pouvait laissé penser que formalisme contractuel rappelé dans le formulaire de souscription de la proposition de contrat n’excédait pas ses capacités de compréhension. En effet il était précisé dans le formulaire en question que la proposition n’était pas le contrat définitif, que l’assureur s’engageait à faire parvenir celui-ci au souscripteur dans le délai de deux mois maximum, et que, en retour, le souscripteur le préviendrait à son siège social s’il n’avait rien reçu au-delà de ce délai.

 

Il se trouve que la contractante n’avait pas réagi à l’absence de contrat alors que sa prime avait été encaissée. En outre, il était établi qu’elle avait reçu du mandataire plusieurs versements en liquide et qu’elle avait retiré des intérêts à plusieurs reprises, autant de faits qui eussent dû soulever sa méfiance, ces opérations ne pouvant relever, même pour un profane, d’un mode de gestion normal d’un contrat d’assurance vie régulièrement souscrit.

 

Cependant tous ces faits sont jugés, par la Cour de cassation, impropres à établir qu’à la date de la conclusion du contrat et de la remise des fonds, la contractante ne pouvait légitimement croire que le mandataire non salarié de l’assureur n’agissait pas à l’occasion de ses fonctions.

 

Par le passé, la Cour de cassation s'est déjà intéressé à la croyance de l’assuré en ce que le mandataire agissait dans l’exercice de ses fonctions :

  • l’assurance doit répondre de son mandataire ou préposé dès lors que les circonstances ont permis à la victime de croire légitimement que l'intermédiaire agissait dans l'exercice de ses fonctions même si, en fait, il servait des fins personnelles (Cass. 2e civ., 29 mai 1996 : Bull. civ. 1996, II, n° 118).

  • à l'inverse, lorsqu'il est établi que les assurés, victimes d'un détournement de fonds, "ne pouvaient ignorer que les opérations présentaient un caractère anormal, avaient conscience que l'agent général abusait" des fonctions qui lui avaient été confiées, la responsabilité de l'entreprise d'assurance doit être écartée (Cass. civ., 21 déc. 2006 : Resp. civ. et assur. 2007, comm. 96 ;. Cass. 2ème civ., 22 mai 2003, n° 02-12.198 : Bull. civ. 2003, II, n° 156 : cas où ou la victime ne pouvait légitimement ignorer que le préposé agissait en dehors de ses fonctions). 

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