La rédaction d'une clause bénéficiaire pour le contrat n'est pas impérative, mais elle est quasi systématiquement mise en place. En effet, à défaut de bénéficiaire(s) - déterminé(s) ou déterminable(s) - les sommes entrent dans la succession de l'assuré et supportent les droits de mutation par décès : la fiscalité favorable de l'assurance-vie est liée à l'existence d'un bénéficiaire en cas de décès (comme d'ailleurs l'insaisissabilité de principe du contrat).
Liberté de choix
Contrairement à l'assuré qui ne peut être qu'une personne physique, le bénéficiaire peut être soit une personne physique, soit une personne morale.
Limites à la liberté de choix
A-Principe : le bénéficiaire doit être déterminé ou déterminable
Si aucun bénéficiaire n’a été désigné, le capital ou la rente garantis font partie du patrimoine ou de la succession du contractant (C. ass. art. L 132-11).
Si un bénéficiaire est désigné, le capital ou la rente versés ne font pas partie de la succession de l'assuré (C. ass. art. L 132-12) et, sauf exception, ils ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant (C. ass. art. L 132-13).
Mais une désignation nominative n'est nullement nécessaire, il suffit que le bénéficiaire soit déterminable (Article L 132-8 du Code des assurances : « Est notamment considérée comme faite au profit de bénéficiaires déterminés la stipulation par laquelle le bénéfice de l'assurance est attribué à une ou plusieurs personnes qui, sans être nommément désignées, sont suffisamment définies dans cette stipulation pour pouvoir être identifiées au moment de l'exigibilité du capital ou de la rente garantis. »), question de fait appréciée souverainement par les juges du fond.
Dans le cas ou la clause bénéficiaire est imprécise ou ambiguë quant à l'identité du bénéficiaire, les assureurs attendent que le juge se prononce sur l'identité du bénéficiaire pour verser le capital décès.
B-Application
1) Désignation des enfants nés ou à naître
Remplit la condition de bénéficiaire déterminé la désignation des enfants nés ou à naître du contractant, de l'assuré ou de toute autre personne désignée (C. ass. art. L 132-8).
Cette désignation s'apprécie, non au moment de la souscription du contrat, mais au moment de la survenance du risque, c'est-à-dire lors du décès de l'assuré (Cass. 1e civ. 10-12-1985 n° 84-14.328).
Les enfants conçus mais non encore nés à la date du décès de l'assuré constituent donc des bénéficiaires déterminés.
La meilleure formule est donc d'indiquer : « mes enfants nés ou à naître au jour de mon décès, vivants ou représentés » ou, si la désignation vise les petits-enfants, « mes petits-enfants nés ou à naître au jour de mon décès, vivants ou représentés ».
2) Désignation des héritiers ou ayants droit
Est faite au profit de bénéficiaires déterminés la stipulation visant les héritiers ou ayants droit de l'assuré ou d'un bénéficiaire prédécédé (C. ass. art. L 132-8).
Question : lorsque la clause bénéficiaire mentionne «mes héritiers» et que le souscripteur du contrat a d’autre part désigné par testament un ou des légataires universels ou à titre universel, celui-ci ou ceux-ci peuvent-ils être considéré comme « héritiers » et ainsi percevoir le capital décès à la place des héritiers désignés par la loi ?
Précisons que :
- le légataire universel est celui qui reçoit du testateur l’universalité des biens que ce dernier laisse à son décès (article 1003 Code civil)
- le légataire à titre universel est celui qui reçoit du testateur « une quote-part des biens dont la loi lui permet de disposer, telle qu'une moitié, un tiers, ou tous ses immeubles, ou tout son mobilier, ou une quotité fixe de tous ses immeubles ou de tout son mobilier » (article 1010 Code civil
- les héritiers sont aux termes de l’article 734 Code civil et selon l’ordre suivant, les enfants et leurs descendant, les père et mère, les frères et sœurs et les descendants de ces derniers, es ascendants autres que les père et mère, les collatéraux autres que les frères et sœurs et les descendants de ces derniers.
Réponse : il résulte de la jurisprudence de la cour de cassation que dans une telle situation, le légataire universel ou à titre universel peut percevoir le capital décès à la place des héritiers légaux si tel était bien la volonté du souscripteur du contrat d’assurance vie
En effet, la Cour de cassation considère qu’ «il convient de ne s'attacher exclusivement ni à l'acception du terme héritier dans le langage courant ni à la définition de ce terme en droit des successions mais de rechercher et d'analyser la volonté du souscripteur » (Cour de cassation, Deuxième chambre civile, 14 décembre 2017, n° 16-27.206) : les juges doivent « rechercher si (le souscripteur du contrat) avait eu la volonté, ou non, de faire bénéficier les légataires des capitaux garantis par le contrat d'assurance sur la vie » (Cour de cassation, 1re chambre civile, 10 Février 2016 – n° 14-27.057)
Tout est donc fonction de l’appréciation de la volonté du souscripteur.
La jurisprudence a pu retenir que le légataire universel devait primer l’héritier légal (Cass. 1re civ., 4 avr. 1978, n°76-12085; Cour de cassation, Deuxième chambre civile, 14 décembre 2017, n°16-27.206), ou au contraire que l’héritier restait le seul bénéficiaire du contrat, à l’exclusion du légataire universel (Cass. 2e civ., 12 mai 2010, n° 09-11256).
Dans l’espèce où l’héritier légal a primé sur le légataire universel (Cass. 2e civ., 12 mai 2010, n° 09-11256), la Cour de cassation relève que le testament avait été rédigé avant la souscription du contrat d’assurance-vie, «ce qui montrait sa volonté de gratifier les personnes ayant cette qualité (celle d’hériter) et non pas seulement celle ayant la qualité de légataire universelle ».
Dans l’espèce où le légataire universel a primé l’héritier légal (Cour de cassation, Deuxième chambre civile, 14 décembre 2017, n° 16-27.206), la Cour de cassation relève que le testament instituant le légataire universel avait été rédigé après la désignation bénéficiaire des héritiers « ce qui démontrait sa volonté de transmettre l'ensemble de ses avoirs » au légataire universel.
La chronologie est donc déterminante : en effet lorsque le souscripteur a d’abord souscrit son contrat d’assurance-vie et désigné «les héritiers» comme bénéficiaires et a postérieurement rédigé un testament par lequel il a effectué différents legs, à titre universel et universel, on peut « penser que la désignation des légataires étant la plus proche du décès, celle-ci représente la volonté de la testatrice de les faire bénéficier également du capital versé au titre du contrat d’assurance-vie, et de les faire primer sur son frère, héritier légal. » (RGDA avril 2016, n° 113g5, p. 194, Sophie Lambert Maître de conférences à Aix-Marseille université, directeur adjoint de l’Institut des assurances d’Aix-Marseille)
Concernant le légataire à titre universel, la Cour de cassation a admis qu’il a également comme le légataire universel vocation à recevoir les fonds issus du contrat d’assurance vie lorsque la clause bénéficiaire désigne les héritiers et que tel était la volonté du souscripteur du contrat.
La Cour de cassation a en effet énoncé que « pour identifier le bénéficiaire désigné sous le terme d’“héritier”, qui peut s’entendre d’un légataire à titre universel, il appartient aux juges du fond d’interpréter souverainement la volonté du souscripteur, en prenant en considération, le cas échéant, son testament » (Cass. 1re civ., 30 sept. 2020, n° 19-11.187). Cette décision s’inscrit dans le prolongement d’une précédente, à l’occasion de laquelle la haute juridiction a affirmé que pour apprécier la qualité d’héritier, il convient de ne s’attacher ni à l’acception de ce terme dans le langage courant ni à sa définition juridique, mais de rechercher la volonté du souscripteur (Cass. 2e civ., 14 déc. 2017, n° 16-27.206).
Comment
s’opère la répartition du capital entre héritiers ?
Lorsque les bénéficiaires désignés sont les héritiers, ceux-ci ont droit en principe au bénéfice de l'assurance en proportion de leurs parts héréditaires (article L132-8
C.ass).
Cette disposition nécessite quelques éclaircissements car il ne faut pas en déduire que les successibles recueillent automatiquement le bénéfice de l'assurance en leur seule qualité d'héritiers.
C'est en effet en tant que bénéficiaires déterminés "ainsi désignés", donc en vertu d'un droit propre issu de la seule volonté de l’assuré que le capital assuré leur est attribué.
Or l’assuré à la liberté de prévoir entre les héritiers désignés bénéficiaires une autre répartition que celle issue des règles successorales.
Tel est le cas lorsque la clause prévoit par exemple que les bénéficiaires sont « les héritiers de l'assuré(e) par parts égales entre eux »
La précision « par parts égales entre eux » signifie que le stipulant a voulu que la répartition ne se fasse pas selon les règles successorales.
Il incombe au juge de rechercher la volonté du souscripteur quant à la répartition du capital garanti entre héritiers (Cass. 1re civ., 19 sept. 2018, n° 17-23.568 : après avoir souscrit un contrat d'assurance sur la vie en désignant ses « héritiers» comme bénéficiaires, le souscripteur rédige un testament instituant l'un de ses descendants légataire universel. Évidemment, au décès, se pose la question de la répartition du capital : le légataire universel pouvait-il être regardé comme un héritier et ainsi recueillir la totalité du capital ? Ou, au contraire, le capital devait-il être partagé entre les trois enfants du défunt par parts égales? la Cour de cassation censure l’arrêt de la Cour d’appel qui avait jugé que chacun devait recevoir un tiers du capital aux motifs qu’elle n’avait pas «rechercher, comme il le lui incombait, la volonté du souscripteur quant à la répartition du capital garanti ».)
La renonciation à succession par l'héritier ou légataire désigné bénéficiaire du contrat n'a pas d’incidence sur l'assurance-vie (C. ass. art. L 132-8), car c'est à la date de l'exigibilité des prestations, c'est-à-dire au jour du décès, que s'apprécie la détermination des bénéficiaires. Ainsi, en supposant que la clause bénéficiaire désigne « mes héritiers », ces derniers peuvent renoncer à leurs droits dans la succession et accepter le bénéfice du contrat d'assurance-vie.
3) Désignation du conjoint
L'assurance faite au profit du conjoint profite à la personne qui a cette qualité au moment de l'exigibilité des prestations (C. ass. art. L 132-8), c'est-à-dire au jour du décès, et non à celle qui était le conjoint au moment de la souscription du contrat ou au moment de la désignation du bénéficiaire. Il en irait différemment si le conjoint était désigné non en sa qualité, mais par son nom. Seul le mariage donne la qualité de conjoint. Si la clause type est retenue et qu'elle prévoit « mon conjoint, à défaut mes enfants nés ou à naître », le partenaire pacsé et le concubin ne sont pas concernés.
En cas de désignation du concubin non nominativement mais en cette qualité, celui qui se prétend concubin doit rapporter la preuve d'une vie commune avec l’assurée au jour du décès, le concubinage selon l'article 515-8 du code civil est une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes qui vivent en couple (Cass. 1re civ., 3 oct. 2018, n° 17-13.113)
4) Décès du bénéficiaire de premier rang
Décès du bénéficiaire antérieur à celui du stipulant
Aux termes de l'article L. 132-9 du Code des assurances (dernier al.) « L'attribution à titre gratuit du bénéfice d'une assurance sur la vie à une personne déterminée est présumée faite sous la condition de l'existence du bénéficiaire à l'époque de l'exigibilité du capital ou de la rente garantis, à moins que le contraire ne résulte des termes de la stipulation. »
En conséquence, si le bénéficiaire décède avant l'assuré, sa désignation devient caduque sauf si une clause de représentation (prévue aux articles 751 à 755 du Code civil) en cas de décès de l'un des bénéficiaires en premier rang a été prévue dans la clause bénéficiaire (Cass. 2e civ. 22-9-2005 n° 04-13.077) et le capital décès:
- tombera dans la succession de l'assuré si aucun bénéficiaire à titre subsidiaire (ou encore dit de second rang) n'a été désigné (Cass. 2e civ. 1-6-2011 n° 10-30.430; Cass. 2e civ. 10-9-2015 n° 14-20.017).
- sera versée aux bénéficiaires à titre subsidiaire s'il en a été désigné (Cass. 1re civ., 10 juin 1992).
Ainsi la clause bénéficiaire « mon conjoint, à défaut mes enfants vivants, par parts égales, à défaut mes héritiers » prive les petits-enfants dont l'auteur est prédécédé de tous droits au bénéfice du contrat d'assurance-vie (Cass. 2e civ. 22-9-2005 n° 04-13.077) dès lors qu’aucune clause de représentation n’a été prévue.
La Cour de cassation a confirmé cette solution : il résulte des articles L. 132-9 et L. 132-11 du code des assurances que, si l'attribution à titre gratuit du bénéfice d'une assurance sur la vie à une personne déterminée devient irrévocable par l'acceptation du bénéficiaire, cette attribution est présumée faite sous la condition de l'existence du bénéficiaire à l'époque de l'exigibilité du capital ou de la rente garantie, à moins que le contraire ne résulte des termes d'une clause de représentation, à défaut, elle est caduque et le capital ou la rente garantie font partie du patrimoine ou de la succession du contractant. Méconnaît ces dispositions la cour d'appel qui retient que le bénéfice du contrat est entré dans le patrimoine de la fille du bénéficiaire, décédé avant le souscripteur du contrat d'assurance sur la vie, sans relever l'existence d'une clause de représentation du bénéficiaire décédé (Cass. 2e civ., 10 sept. 2015, n° 14-20.017).
Cependant la Cour de cassation laisse aux juges du fond le soin d'interpréter la volonté du souscripteur pour déterminer s'il a voulu, malgré la présence de plusieurs bénéficiaires de premier rang, permettre néanmoins la « représentation » en cas de prédécès de l'un d'entre eux : avec une rédaction « mes enfants par parts égales, nés ou à naître, à défaut de l'un ses descendants, à défaut mes héritiers », la représentation par ses descendants d'un des enfants pourtant décédé avant la souscription du contrat a été admise (Cass. 2e civ. 10-04-2008 n° 07-12.992).
5) Décès du bénéficiaire postérieur à celui du stipulant
Si le bénéficiaire de premier rang a accepté la clause avant de décéder à son tour, le bénéficiaire à titre subsidiaire n'a aucun droit sur la prestation garantie.
Si le bénéficiaire de premier rang n'a pas accepté la clause avant de décéder à son tour, la jurisprudence considère traditionnellement que la prestation garantie doit revenir aux héritiers du bénéficiaire, « sauf lorsque le stipulant a désigné outre ce bénéficiaire, des bénéficiaires subsidiaires, sans réserver les droits des héritiers du premier nommé » (en ce sens, notamment, Cass. 1e civ. 10-6-1992 n° 90-20.262).
Le bénéfice de la stipulation est transmis aux héritiers du bénéficiaire désigné, sauf manifestation contraire de volonté du stipulant (Cass. 2e civ., 23 oct. 2008, n° 07-19.163) : dans une affaire ou la clause bénéficiaire désignait les deux «enfants, par parts égales, à défaut les descendants », la Cour de cassation a estimé que cette clause comportait deux stipulations distinctes (une par enfant) et devait être interprétée comme la volonté qu'à défaut d'un enfant les descendants de celui-ci recueillent sa part.
Si le bénéfice de la stipulation est en principe transmis aux héritiers du bénéficiaire désigné lorsque celui-ci vient à décéder après le stipulant mais sans avoir déclaré son acceptation, il en va autrement lorsque le stipulant, souscripteur de l'assurance vie, a désigné d'autres bénéficiaires de même rang ou en sous-ordre, sans réserver les droits des héritiers des bénéficiaires premiers nommés (Cass. 1re civ., 5 nov. 2008, n° 07-14. 598 : la Cour de cassation a écarté les enfants du fils décédé sans avoir accepté en considérant que la clause par laquelle la souscriptrice avait désigné « ses enfants nés ou à naître et à défaut ses héritiers » ne réservait pas les droits des héritiers des bénéficiaires premiers nommés).
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