Au décès d'une personne, les libéralités qu'elle a consenties de son vivant peuvent être prises en compte pour le règlement de sa succession au travers de deux mécanismes différents, qui s'appliquent parfois de façon cumulative : le rapport, dont l'objet est d'assurer l'égalité entre les héritiers, et la réduction, dont le but est la protection de la réserve.
® Le rapport des libéralités est une institution du droit successoral selon laquelle l'héritier, appelé avec d'autres à recueillir une succession, doit remettre dans la masse successorale les biens dont le défunt l'avait gratifié (article 843 et suivants Code civil).
®La réduction des libéralités est une action par laquelle un héritier réservataire peut obtenir des bénéficiaires de libéralités consenties par le défunt au-delà de la quotité disponible la restitution, sous forme du versement d'une indemnté dite "de réduction", de la part excédentaire de ces libéralités afin de rétablir la réserve héréditaire qui a été entamée (article 920 et suivants du Code civil).
II - Exceptions au principe
Afin d'obtenir une part successorale plus importante, les héritiers qui s’estiment lésés par l’opération de transmission réalisée via l’assurance-vie peuvent solliciter son rapport à succession et sa réduction pour atteinte à la réserve dans deux cas :
- s’il prouve que les primes versées sur le contrat sont manifestement exagérées eu égard aux facultés du souscripteur
- ou s’il prouve que les circonstances dans lesquelles le bénéficiaire a été désigné révèlent la volonté du souscripteur de se dépouiller de manière irrévocable.
En effet, il existe deux exceptions afin de sanctionner ceux qui souscrivent un contrat d’assurance dans l’unique but de déshériter leurs héritiers :
(I) l’article L 132-13, al. 2 du Code des assurances dispose que si les primes versées sur un contrat d'assurance-vie sont manifestement exagérées eu égard aux facultés du souscripteur, elles sont soumises aux règles du rapport et de la réduction
(II) la jurisprudence requalifie le contrat d’assurance vie en donation indirecte « si les circonstances dans lesquelles son bénéficiaire a été désigné révèlent la volonté du souscripteur de se dépouiller de manière irrévocable » (Cour de cassation, 1re chambre civile, 3 Mars 2021 – n° 19-21.420) : le capital décès, et non les seules primes versées, devient en conséquence rapportable à la succession et réductible.
(1ère exception) les primes versées sur un contrat d'assurance-vie sont soumises aux règles du rapport et de la réduction lorsqu'elles sont manifestement exagérées eu égard aux facultés du souscripteur (C. ass art. L 132-13, al. 2)
La recevabilité de cette demande suppose d’établir les deux conditions suivantes:
- l'existence d’une atteinte à la réserve
- les primes ou certaines primes versées sont manifestement exagérées eu égard aux facultés du souscripteur
Mais «la fenêtre de tir» est particulièrement étroite :
- les critères de l'appréciation de l'exagération sont stricts (âge, situation patrimoniale et familiale, utilité des opérations à la date de chacun des versements effectués)
- seule les primes exagérées sont réintégrées dans la succession pour leur valeur nominale sans tenir compte de la valorisation lié à la capitalisation ou la performance des unités de compte sur lesquelles elle a été investi (Cass. 1re civ., 16 déc. 2020, n° 19-17517)
D'autre part, établir que les primes sont manifestement exagérées n’emporte pas mécaniquement des effets sur le terrain du droit successoral, ces derniers supposent que les conditions du rapport et/ou de la réduction sont réunies :
- le rapport ne joue qu’à l’égard des héritiers légaux et non à l’encontre des légataires universels ou à titre universel ou des petits-enfants du souscripteur, l’exagération manifeste des primes reste alors indifférente si le tiers bénéficiaire ne cumule pas la qualité d’héritier légal du défunt (Cass. 1re civ., 30 janv. 2019, n° 18-12045 ; Cass. 1re civ., 8 mars 2017, n° 69-10237; Cass. 1re civ., 20 oct. 2010, n° 09-16157)
- s’agissant de la réduction, seuls les héritiers réservataires sont en droit de demander la réduction des primes manifestement exagérées, puisqu’une telle action a précisément pour objet de protéger leur réserve (C. civ., art. 921.). D’autre part en l’absence d’atteinte à celle-ci, aucune indemnité de réduction n’est due par le bénéficiaire (Cass. 2e civ., 3 nov. 2011, n° 10-21760).
► Aussi avant d’initier une telle procédure et afin d’éviter les déconvenues et des frais inutiles, il convient d’apprécier préalablement l’opportunité et la pertinence de mobiliser l’article L. 132-13 du Code des assurances, vérifier que le jeu en vaut bien la chandelle, que les effets recherchés l’emportent sur les effets indésirables, dresser un bilan coût/avantage entre les chances que soit constaté le caractère manifestement exagéré des primes, le coût de la procédure judiciaire et les effets patrimoniaux d’un tel constat.
(2ème exception) si les circonstances dans lesquelles le bénéficiaire a été désigné révèlent la volonté du souscripteur de se dépouiller de manière irrévocable, le contrat d’assurance vie peut être requalifié en donation indirecte et ainsi la valeur du contrat devient rapportable et réductible
Cette voie est plus avantageuse car elle permet de réintégrer dans la succession la valeur du contrat donc les plus-values et non pas seulement les primes versées.
Cependant elle ne peut concerner que certaines circonstances bien particulières, celles ou compte tenu de l’âge du souscripteur, l’importance des primes versées et l’utilité du contrat pour ce dernier, il n’y avait aucune probabilité qu’il exerce sa faculté de rachat compte tenu de l’imminence de son décès.
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Avant d'initier une procédure judiciaire, il est en effet raisonnable et opportun d'effectuer préalablement un "audit" juridique de la situation afin d'apprécier les chances de succès de la procédure envisagée et ainsi éviter les déconvenues tels qu'engager des frais inutiles pour une procédure perdue d'avance.
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