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Cabinet d'Avocat Jacques VOCHE ASSURANCE-VIE, ÉPARGNE, FINANCE Avocat au barreau de Poitiers et de Paris Tél : 05 49 02 33 01 Mail : jacquesvoche.avocat@wanadoo.fr 31 rue Creuze - 86100 Chatellerault (Cabinet principal) 14 rue Falguière - 75015 Paris (Cabinet secondaire)
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Assurance vie héritier lésé : la réintégration de l'assurance-vie dans la succession

Synthése 

L’assurance vie est un outil permettant de contourner l’ordre public successoral et de déshériter ses héritiers tels que ses enfants.

En effet et en principe, les sommes reçues par le bénéficiaire au titre d'un contrat d’assurance vie  ne font pas partie de la succession de l'assuré (C. ass. art. L 132-12) : on dit que l’assurance vie est hors succession.

Tout au moins en partie seulement, la loi et la jurisprudence ayant prévu des «garde-fous» afin de sanctionner ceux qui souscrivent un contrat d’assurance dans l’unique but de déshériter leurs héritiers.

 

De quels moyens disposent l’héritier lésé pour émettre une contestation et obtenir la réintégration de l’assurance-vie dans la succession ?

 

Il existe deux situations permettant à l’héritier lésé de contester l’assurance vie et d’obtenir la réintégration de celle-ci dans la succession :

 

1) les primes versées par le souscripteur du contrat sont «manifestement exagérées eu égard à ses facultés» 

Le caractère manifestement exagéré des primes eu égard aux facultés du souscripteur s'apprécie au moment de leur versement, au regard de quatre critères cumulatifs qui sont l'âge (i), la situation patrimoniale (ii) et familiale (iii) du souscripteur ainsi que l'utilité du contrat (iv) pour celui-ci (Cass. 1re civ., 2 mai 2024, n°22-14.829; Cass. 2e  civ., 19 déc. 2024, n°23-19.110; Cass. 1re civ.,30 Avril 2025 – n°23-10.983)

Dans une telle situation, l'article L132-13 Code des assurances autorise à demander le rapport à succession et la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers des primes exagérées dès lors que les conditions du rapport (le bénéficiaire doit être un héritier légal) et/ou de la réduction (seuls les héritiers réservataires sont en droit de demander la réduction et il doit y avoir une atteinte à la réserve) sont réunies.

 

2) sous couvert d’un contrat d’assurance vie, le souscripteur a en réalité consenti une donation au bénéficiaire qu’il a désigné

Lorsque les circonstances dans lesquelles le bénéficiaire a été désigné révèlent la volonté du souscripteur de se dépouiller de manière irrévocable, la jurisprudence requalifie le contrat d’assurance vie en donation (Cass. 1re civ., 3 mars 2021, n°19-21.420; Cass. 1re civ., 28 févr. 2018, n° 17-13269 ;Cass. 1re civ., 26 octobre 2011, n° 10-24.608; Cass. ch. mixte 21-12-2007 n° 06-12.769).

Tel est le cas, lorsque que compte tenu des circonstances et notamment du décès imminent du souscripteur, il est certain qu’il n’exercera pas sa faculté de rachat du contrat et que le capital ira au bénéficiaire.

La requalification en donation permet de réintégrer la valeur du contrat dans la succession grâce aux jeu du rapport  et  de la réduction dès lors que les conditions de ces deux mécanismes sont réunies.

I- Le principe : le contrat d’assurance vie est hors succession

Le montant des sommes transmises par l’assurance-vie n'est pas incorporé à la masse de calcul pour déterminer le montant de la réserve héréditaire et de la quotité disponible et ainsi in fine calculer la part successorale revenant à chaque héritier réservataire.

 

L’article L. 132-12 du Code des assurances prévoit en effet que « Le capital ou la rente stipulés payables lors du décès de l'assuré à un bénéficiaire déterminé ou à ses héritiers ne font pas partie de la succession de l'assuré. Le bénéficiaire, quelles que soient la forme et la date de sa désignation, est réputé y avoir eu seul droit à partir du jour du contrat, même si son acceptation est postérieure à la mort de l'assuré ».

 

Par conséquent, les sommes perçues par le bénéficiaire ne sont pas rapportable à la succession et ne sont pas soumises aux règles de la réduction pour atteinte à la réserver.*

 

Ce principe est posé par l’article L. 132-13 du Code des assurances :

«Le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant. Ces règles ne s’appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n’aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés ».

 

* Au décès d'une personne, les libéralités qu'elle a consenties de son vivant peuvent être prises en compte pour le règlement de sa succession au travers de deux mécanismes différents, qui s'appliquent parfois de façon cumulative : le rapport, dont l'objet est d'assurer l'égalité entre les héritiers, et la réduction, dont le but est la protection de la réserve.

® Réserve héréditaire. Quotité disponible 

Lorsque le défunt laisse à sa survivance des héritiers réservataires, sa succession se divise en deux fractions : l'une est laissée à sa libre disposition et qualifiée pour cette raison de quotité disponible, l'autre, qui consiste dans la réserve, est dévolue impérativement par la loi aux héritiers qu'elle entend protéger dans cette mesure contre les libéralités du de cujus.

En présence de descendants, le taux de la réserve héréditaire est fonction du nombre d'enfants venant à la succession : elle est de moitié des biens du défunt  si un enfant, des deux tiers si deux enfants et des trois quart si trois enfants ou plus (article 913 Code civil)

La réserve du conjoint survivant, à laquelle celui-ci peut  prétendre à défaut de descendant, est fixée au quart de la succession (article 914-1 Code civil)

® Le rapport des libéralités est une institution du droit successoral selon laquelle l'héritier, appelé avec d'autres à recueillir une succession, doit remettre dans la masse successorale les biens dont le défunt l'avait gratifié (article 843 et suivants Code civil). 

®La réduction des libéralités est une action par laquelle un héritier réservataire peut obtenir des bénéficiaires de libéralités consenties par le défunt au-delà de la quotité disponible la restitution, sous forme du versement d'une indemnté dite "de réduction", de la part excédentaire de ces libéralités afin de rétablir la réserve héréditaire qui a été entamée (article 920 et suivants du Code civil).

II-Héritier lésé par une assurance-vie : réintégration dans la succession des primes manifestement exagérées

Afin d'obtenir une part successorale plus importante, les héritiers qui s’estiment lésés par l’assurance-vie peuvent solliciter le rapport à succession  et la réduction pour atteinte à la réserve des primes versées sur le contrat si et seulement si elles «sont manifestement exagérées eu égard aux facultés du souscripteur ».

 

L’article L132-13 Code des assurances stipule en effet :

Le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant.

Ces règles ne s'appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n'aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés.

 

La recevabilité de la demande de rapport et de réduction suppose d’établir que :

- les primes ou certaines primes versées sont manifestement exagérées eu égard aux facultés du souscripteur (A)

- les conditions légales du rapport et/ou de la réduction sont réunies (B)

 

«La fenêtre de tir» est particulièrement étroite, la recevabilité de la demande étant en effet soumise à des conditions particulièrement strictes.

 

► Aussi avant d’initier une telle procédure et afin d’éviter les déconvenues et des frais inutiles, il convient d’apprécier préalablement l’opportunité et la pertinence de mobiliser l’article L. 132-13 du Code  des assurances,  vérifier que le jeu en vaut bien la chandelle, que  les effets recherchés l’emportent sur les effets indésirables, dresser un bilan coût/avantage entre les chances que  soit constaté le caractère manifestement exagéré des primes, le coût  de la procédure judiciaire et  les effets patrimoniaux d’un tel constat.

 

A- Qu’est-ce une prime manifestement exagérée eu égard aux facultés du souscripteur ? 

 

1°) les critères de l’appréciation de l’exagération : l'âge, la situation patrimoniale et familiale et l'utilité du contrat 

 

Il n'existe pas de définition légale des primes « manifestement exagérées ».

 

La commission d'assurance et de prévoyance sociales dans son rapport préalable présenté le 5 août 1926 permet de comprendre ce qu’il faut entendre par prime manifestement exagérée : il s’agit d’une prime qui n’est pas « en rapport avec la situation de fortune » de l’assuré.

 

Il est revenu en conséquence à la jurisprudence de préciser les critères d’appréciation de l’exagération manifeste.

La Cour de cassation a dans deux décisions de 2004 fixé les critères clés de l'appréciation de l'exagération  (Cour de Cassation, Chambre mixte, 23 novembre 2004, 01-13.592 et 02-17.507) soit :

- l'âge du souscripteur (1)

- la situation patrimoniale (2) et familiale (3) du souscripteur

 

Puis la Cour de cassation a ajouté en 2008 (Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 10 avril 2008, 06-16.72) un quatrième critère :

- l'utilité du contrat pour l’assuré (4) 

 

1. L'âge

Le grand âge est un indice de l’excès

Il ressort de la jurisprudence que le juge prend en compte l’âge du souscripteur, ce qui renvoit tout autant à son espérance de vie soit à son état de santé : « l’idée est que, plus le souscripteur est âgé au moment du versement de la prime et donc proche de la mort, moins le contrat est utile pour lui, sa finalité étant alors plutôt transmissive. » (RGDA juill. 2016, n° RGA113r0, note L. Mayaux).

En effet le grand âge de l’assuré rend improbable le fait que de ce dernier soit vivant au terme du contrat ou procède à des rachats.

Il en est également ainsi lorsque le souscripteur souffre d'une grave maladie.

 

Cependant, un âge avancé n'implique pas nécessairement que les primes sont manifestement exagérées 

Dans une affaire ou une personne âgée de 78 ans, gravement malade et décédé trois mois après le versement de la prime contestée, la Cour de cassation a approuvé la Cour d’appel qui a écarté l’excès au motif que «par ce versement, elle entendait placer et garantir le capital acquis à la suite de la vente de sa maison, et pouvoir percevoir, si besoin, des revenus complémentaires ; que René X..., qui disposait d'économies disponibles et de revenus très suffisants pour assumer ses besoins quotidiens, a entendu organiser son patrimoine par rapport à la situation concrète de sa famille » (Cass. 2e civ., 13 sept. 2012, n° 11-20.756)

 

Le fait que les primes soient versées après les 70 ans de l’assuré n’emporte pas en soi preuve de l’excès (Cass. 1re civ., 30 avr. 2025, n°23-10983)

Comme l'explique le professeur Luc Mayaux, « L’article L. 132-13 du Code des assurances ne fait aucune référence à l’âge du souscripteur et, s’il arrive à la jurisprudence de prendre en compte ce critère, ce n’est pas au moyen d’un âge qui serait fixé ne varietur à 70 ans minimum. Cette limite serait d’ailleurs excessivement basse. Passé un tel âge, le versement de la prime peut encore présenter une utilité pour le souscripteur, il n’obéit pas à une simple finalité de transmission patrimoniale. » (Revue générale du droit des assurances N° 6 - 1 juin 2025)

 

Le critère de l’âge et plus particulièrement la durée probable de détention du contrat d’assurance vie est utilisé par le juge afin d’apprécier si le contrat présente une utilité ou non pour l’assuré

La Jurisprudence de la Cour est clairement en ce sens :

- dans une décision rendue en 2016, la Cour de cassation reproche à la Cour d’appel de n’avoir pas « rechercher, comme elle y était invitée, l’utilité pour la souscriptrice des contrats conclus en 1996 et 2005, notamment au regard de son âge, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision relative aux primes versées sur ces contrats » (Cass. 2e civ., 19 mai 2016, n°15-19458)

-dans une décision rendue en 2014, la Cour de cassation reproche à une Cour d’appel qui avait retenu que les primes ne présentent pas un caractère  manifestement exagéré car elles représentaient « 24,83 % de son patrimoine » de  pas s’être « prononcer sur l’utilité des contrats pour la souscriptrice » qui était « alors âgée de 85 à 89 ans » (Cass. 1 civ., 19 mars 2014, n°13-12076)

 

Des versements importants à un âge avancé peuvent ainsi, selon les cas, être vus comme excessifs parce que l’assuré n’en aura pas l’utilité faute d’espérance de vie suffisante pour utiliser le contrat ou bien être considérés à l’inverse comme parfaitement légitimes et donc non excessifs, parce qu’ils permettront de financer les dépenses – par hypothèse importantes – de fin de vie (maladie, dépendance, etc.).

 

2. et 3. Situation patrimoniale et familiale du souscripteur 

 

Aux termes de l'article L. 132-13 du Code des assurances, le caractère manifestement exagéré est déterminé par rapport à l'ensemble des facultés du souscripteur, c'est-à-dire par rapport aux éléments de son actif.

 

Les juges du fond se fondent en principe sur une comparaison entre l’ensemble des biens et revenus du souscripteur et le montant des primes versées (mais parfois, les juridictions se contentent d’opérer une comparaison entre le montant de la prime et les revenus du souscripteur, alors que la notion de faculté exige d’englober dans l’analyse l’ensemble des biens évaluables en argent).

 

Ni la loi ni la jurisprudence ne fixent une proportion au-dessus de laquelle l'investissement dans le contrat serait manifestement exagéré

 

Les juges du fond se fondent en principe sur une comparaison entre l’ensemble des biens et revenus du souscripteur et le montant des primes versées (mais parfois, les juridictions se contentent d’opérer une comparaison entre le montant de la prime et les revenus du souscripteur, alors que la notion de faculté exige d’englober dans l’analyse l’ensemble des biens évaluables en argent).

 

On ne peut s'en tenir uniquement au ratio entre les primes payées et l'actif et les revenus du souscripteur car il importe selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation de tenir compte du dessein poursuivi par le souscripteur et les conditions dans lesquelles l'opération a été réalisée

 

Ainsi l’importance, en valeur absolue, du versement ne suffit pas pour établir l’excés. Il faut également établir que la souscription du contrat, eu égard à la situation patrimoniale et familiale du souscripteur, n’a pas d’utilité pour lui (Cass. 2e civ., 10 juill. 2008, n° 07-14.098).

 

À l’inverse, les juges du fond ne peuvent se contenter de constater la relative modicité de la prime au regard de la situation patrimoniale du souscripteur pour écarter la qualification de prime manifestement exagérée.

 

Dans une affaire ou la Cour d’appel, après avoir relevé que les primes versées par l’assuré s’élevaient à 30 500 €, que les liquidités qu’il détenait « lors de la souscription de ce contrat d'assurance s'élevaient à environ 150000 euros » et qu’il « était propriétaire de sa maison et de parcelles de terrain », avait considéré qu'au vu de ces éléments « il n' apparaît pas que les primes versées sur le contrat d'assurance étaient manifestement exagérées par rapport aux revenus et au patrimoine du souscripteur à la date de la souscription du contrat », la Cour de cassation a annulé cette décision aux motifs qu’ « en se déterminant ainsi, sans rechercher également si, au regard de l'âge, de la situation «familiale de la souscriptrice et de l'utilité du contrat pour celle-ci, les primes par elle versées présentaient un caractère manifestement exagéré eu égard à ses facultés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.» (Cass. 2e civ., 16 juin 2022, n°20-20.544)

 

L’origine des fonds ayant servi à payer la prime peut être pris en compte pour apprécier l’excès

 

La Cour de cassation a approuvé une Cour d’appel d’avoir opérer « une distinction entre les sommes versées selon leur origine » et d’avoir retenu qu’une prime de 132 946, 98 euros qui était un « remploi d'un précédent contrat d'assurance dont André X... était bénéficiaire, ne présentait pas, au moment de son versement un caractère manifestement exagéré » (Cass. 2e civ., 6 Octobre 2011 - n° 10-30.899).

Le professeur Luc Mayaux (RGDA 2012, p. 395) explique cette décision par le fait que « l'origine des fonds peut servir à déterminer la méthode la plus appropriée pour apprécier s'il y a ou non excès » :

- lorsque la prime est « payée au moyen des revenus du souscripteur… il est logique d'avoir égard au niveau de ceux-ci »

- «À l'inverse, quand elle est payée par remploi d'un bien préalablement vendu ou, comme en l'espèce, par emploi d'un capital préalablement perçu, c'est la situation de fortune qui est essentielle et donc l'état du patrimoine. »

Or en l’espèce lors du versement de la prime, si le souscripteur avait des revenus modestes (environ 1900 euros par mois), il était propriétaire de sa maison évaluée à 270 000 euros) : « ce patrimoine qui comportait, outre le capital de l'assurance vie, la valeur de la maison, était suffisamment important pour que le versement ne soit pas jugé excessif ».

 

Prise en compte possible du partage des charges de la vie courante avec une autre personne

 

En principe, les juges doivent s'en tenir à la situation financière du seul souscripteur à l'exclusion de celle de son conjoint (Cass. 1re civ., 27 janv. 2016, n°14-29.034 : «pour apprécier le caractère excessif du montant des primes versées, il y avait lieu de s'attacher à la situation financière du seul souscripteur du contrat » ).

 

Mais la jurisprudence admet que pour apprécier les facultés du souscripteur, il n’est pas interdit aux juges du fond, dans leur appréciation globale des situations patrimoniale et familiale de celui-ci, de tenir compte du fait qu’il partage les charges de la vie courante avec une autre personne avec laquelle il vit en couple ( Cass. 1re civ., 6 nov. 2019, n° 18-16.153 : «si, pour apprécier le caractère excessif des primes versées, il y a lieu de s'attacher à la situation financière du seul souscripteur, il n'est pas interdit aux juges du fond, dans leur appréciation globale des situations patrimoniale et familiale de celui-ci, de tenir compte du fait qu'il partage les charges de la vie courante avec une autre personne ; qu'ayant constaté qu'K... L... vivait en couple avec T... J..., la cour d'appel a pu retenir que les ressources mensuelles du souscripteur, d'un montant de 2 174 euros, lui permettaient d'assumer ses charges courantes, relativement limitées s'agissant de l'hébergement, avec la contribution de sa compagne, bénéficiaire d'une retraite mensuelle de l'ordre de 1 150 euros » ).

 

4. L’utilité du contrat

 

a) Depuis 2008, l’utilité est selon la Cour de cassation un des critères devant être pris en compte pour apprécier le caractère exagéré ou non des primes versées (Cass. 2e civ., 10 avr. 2008, n°06-16.725).

 

L’utilité s’entend du bénéfice économique que le souscripteur peut retirer du contrat :

- soit le souscripteur poursuit une finalité de prévoyance c’est à dire cherche à améliorer ses revenus immédiats ou futurs en entendant, via des rachats, des avances ou des mises en garantie, profiter pour lui-même de l’épargne investie  dans ce cas, le contrat présente une utilité pour lui.

- soit le souscripteur poursuit une finalité de transmission c’est-à-dire de transmettre un capital à autrui en le soustrayant à ses héritiers réservataires   dans ce cas, le contrat ne présente aucune utilité pour lui.

 

Le grand âge (ou la maladie) du souscripteur qui dispose d’une faible espérance de vie est un indice permettant de révéler l’absence d’utilité du contrat (Cass. 2e civ., 19 mai 2016, n°15-19458 ; Cass. 1 civ., 19 mars 2014, n°13-12076) : il y a en effet, dans un tel contexte, une probabilité faible voire nulle qu’il effectue des rachats et qu’ainsi il puisse profiter du contrat.

 

La preuve de cette utilité pourra s’inférer d’actes effectifs sur la valeur du contrat d’assurance afin de répondre à un besoin de mobilisation de l’épargne constituée - rachats, demandes d’avance, nantissements - mais aussi d’arbitrages financiers permettant de garantir la meilleure rentabilité de l’assurance pour le cas où le souscripteur se trouverait dans la nécessité de recourir aux fonds placés sur le contrat (Cass. 2e civ., 15 janv. 2015, n° 13-27.768 : « les fonds ainsi investis présentaient toujours un caractère révocable, ainsi que le mettent en évidence ses habitudes de gestion consistant à souscrire des contrats et à les restructurer sans cesse dans le cadre d'un choix personnel et constant de gestion de ses affaires et de valorisation de son patrimoine, qu'il pratiquait régulièrement depuis plus de vingt années, ou encore son souci de pouvoir faire face à tout moment à des dépenses imprévues » - Cass. 1re civ, 18 déc. 2013, n° 12-35.118 : pas d’exagération manifeste pour les sommes versées au titre de contrats d'assurance-vie, qui constituaient pour les souscripteurs une épargne leur permettant de faire face aux frais d'éventuels séjours en maison de retraite.)

 

À diverses occasions, il a en effet été relevé, pour repousser semblable utilité, que le contrat était resté inactif après son alimentation, n'ayant pas donné lieu à des rachats ou autres opérations propres à établir l'intérêt personnel qu'y trouvait le contractant, maintenant de la sorte l'assurance dans le giron d'un acte purement libéral car totalement altruiste (par ex. : Cass. 1re civ., 17 juin 2009, n° 08-13.620).

 

Lorsqu’aucun acte de gestion n’a été accomplie, l’inactivité du contrat doit être compensée par son inscription nette dans un projet particulier de vie tel que le financement de frais d’hébergement en maison de retraite (Cass. 1re civ., 16 déc. 2020, n°19-17.517) ou l'anticipation d'une chute de ressources.

 

b) Au fil des années, l’utilité est devenue le critère décisif et a pris une place prépondérante dans l’appréciation du caractère exagérée de la prime

 

La Cour de cassation veille à ce que les juges du fond l’a prenne en compte  et les sanctionne immanquablement en cas d’omission (Par ex : Cass. 1re civ., 4 juin 2009, n° 08-15050  – Cass. 1re civ., 19 mars 2014, n° 13-12076 )

 

Les tribunaux  doivent particulièrement motivés leurs décision et notamment s’expliquer clairement sur l’utilité de la souscription, ou plus exactement sur l’utilité des primes litigieuses au moment de leur versement (Cour de cassation, 2e chambre civile, 16 Décembre 2021 – n° 20-11.805)

 

2°) La date à laquelle le caractère exagéré des primes doit être établi est celle de leur versement, et non celle du décès de l'assuré (Cour de Cassation, Chambre mixte, 23 novembre 2004, 01-13.592 et 02-17.507;Cass. 1re civ., 12 nov. 2009, n° 08-20.443 et n° 08-20.541​)

 

B- Conséquence des primes jugées manifestement exagérées : réintégration des primes dans la succession par le jeu des règles du rapport et de la réduction

 

1°) Ampleur de la réintégration des primes 

 

La prime exagérée doit être réintégrée dans la succession dans sa totalité et non la seule fraction constitutive de l’excès (Cass. 1e civ. 4 juin 2009, 08-15.093; Cass. 1e civ. 16-12-2020 n° 19-17.517)

 

Seule les primes exagérées sont réintégrées dans la succession pour leur valeur nominale sans tenir compte de la valorisation lié à la capitalisation ou la performance des unités de compte sur lesquelles elle a été investi (Cass. 1re civ., 16 déc. 2020, n° 19-17517)

 

2°) Modalités de la réintégration des primes

 

Etablir que les primes sont manifestement exagérées n’emporte pas mécaniquement des effets sur le terrain du droit successoral, ces derniers supposent que les conditions du rapport et/ou de la réduction sont réunies.

a) Concernant le rapport

 

Qui est tenue au rapport ? le rapport n’est dû qu’entre cohéritiers légaux

 

Seuls les héritiers légaux ou « ab intestat » (succession dans laquelle aucune disposition testamentaire n'a a été prise par le défunt) peuvent être débiteurs du rapport à la succession et seuls les cohéritiers peuvent réclamer le rapport (article 843 et  857 Code civil).

 

Les héritiers légaux sont aux termes de l’article 734 Code civil  et selon l’ordre suivant, les enfants et leurs descendant, les père et mère, les frères et sœurs et les descendants de ces derniers, les ascendants autres que les père et mère, les collatéraux autres que les frères et sœurs et les descendants de ces derniers.

 

Le rapport ne joue qu’à l’égard des héritiers légaux  et non à l’encontre des légataires universels ou à titre universel (Cass. 1re civ., 30 janv. 2019, n° 18-12045 ; Cass. 1re civ., 20 oct.  2010, n° 09-16157) ou des petits-enfants du souscripteur (Cass. 1re civ., 8 mars 2017, n° 69-10237 ; Cass. 1re civ. 19 nov. 2014, n°13-25680), l’exagération manifeste des primes reste alors indifférente si le tiers bénéficiaire ne cumule pas la  qualité d’héritier légal du défunt : par conséquent le légataire universel et les petits-enfants du souscripteur, bénéficiaires du contrat d'assurance-vie,  ne peuvent être condamnés, sur le fondement de l'article L. 132-13 du Code des assurances à rapporter le montant des primes versées, à la succession du souscripteur défunt et ce, même si les primes sont manifestement exagérées.

 

Comment s’effectue le rapport ?

 

Lorsque le rapport est dû, son montant est ajouté à l’actif successoral pour le calcul des droits des héritiers légaux puis  il est déduit, pour le même montant, de la part de l’héritier qui en est débiteur.

 

b) Concernant la réduction

 

Qui peut demander la réduction des primes exagérées ?

 

Seuls les héritiers réservataires sont en droit de demander la réduction des primes manifestement exagérées, puisqu’une telle action a précisément pour objet de protéger leur réserve (C. civ., art. 921.).

 

En l’absence d’atteinte à la réserve, aucune indemnité de réduction n’est due par le bénéficiaire (Cass. 2e civ., 3 nov. 2011, n° 10-21760)

 

Cette hypothèse se rencontre souvent car en effet lorsqu’on détermine la masse de calcul de la réserve et de la quotité disponible, il convient de prendre en compte la prime excessive conformément à l’article 922 du Code civil aux termes duquel «Les biens dont il a été disposé par donation entre vifs sont fictivement réunis à cette masse, d'après leur état à l'époque de la donation et leur valeur à l'ouverture de la succession, après qu'en ont été déduites les dettes ou les charges les grevant ».

En d’autres termes, celle-ci vient augmenter celle-là, de sorte qu’une prime exagérée peut ne pas être réduite.

 

Si le calcul conduit à retenir une atteinte à la réserve, alors une indemnité de réduction est due, qui s’ajoute à l’actif successoral.

 

Rapport et réduction des mêmes primes exagérées

 

Les primes exagérées ne seront  soumises au rapport que dans la mesure où elles n’ont pas été réduites, afin d’éviter que le bénéficiaire « paie deux fois pour la même donation » (Beignier B. et Torricelli-Chrifi S., Libéralités et successions, sept. 2025, LGDJ,n°417).

 

C-  Exemples

 

1°) prime excessive soumise à rapport et non à réduction (absence d’atteinte à la réserve)

M.X décède  laissant deux héritiers réservataires son fils M.A et  M.B

Actif successoral 300 000 €

Assurance vie : primes versées au total 200 000 €

                        Valeur du contrat au décès 240 000 €

M.A unique bénéficiaire

Une prime de 150 000 € est jugée manifestement exagérée

Y a-t-il une atteinte à la réserve ?

Masse de calcul de la réserve et de la quotité disponible :

- biens existants : 300 000€

- prime exagérée : 150 000€

- total : 450 000€

- Quotité Disponible : 1/3 (150 000€) ; réserve : 2/3 (300 000€) ; réserve individuelle : 150 000€

La prime excessive s’impute  en priorité sur la réserve de M.A (150 000 €), bénéficiaire du contrat  d’assurance. La quotité disponible n’est pas consommée. Il n’y a  donc pas lieu à réduction de la prime exagérée.

M.A en tant qu’héritier est tenu au rapport de la prime exagérée soit 150 000 €

Liquidation de la succession

- Part théorique de chacun des deux enfants = 225 000 € (300 000 €  + 150 000 € /  2)

- M.A reçoit 75 000 € soit sa part théorique (225 000 €) - rapport (150 000 €)

- M.A reçoit au total 75 000 € (succession) + 240 000 € (capital issu du contrat d’assurance-vie) soit 315 000 € (au lieu de 390 000 € si la prime n’avait pas été jugée exagérée)

- M. B reçoit sa part théorique, soit 225 000 € (au lieu de 150 000 € si la prime de 150 000 €  n’avait pas été jugée exagérée)

2°) prime excessive soumise à réduction pour atteinte à la réserve et non à rapport

M. X décédé, laissant pour lui succéder ses deux fils, héritiers réservataire.

Actif de succession = 70 000 €.

Contrat d’assurance-vie = versement d’une  prime à hauteur de 200 000 €, valorisé au jour du décès 240 000 €

Claude (tiers, non héritier) désigné pour unique bénéficiaire.

La prime de 200 000 € est jugée  manifestement exagérée.

Le bénéficiaire n’étant pas héritier, il n’est pas tenu à rapport  des primes exagérées

Y a-t-il une atteinte à la réserve ?

Masse de calcul de la réserve et de la quotité disponible :

- biens existants : 70 000 €

- prime exagérée : 200 000 €

- total : 270 000 €

- Quotité Disponible 1/3 soit 90 000 €; réserve 2/3 soit 180 000 €; réserve individuelle  90 000 €

il y a une atteinte à la réserve, la prime (200 000 €) excédant la quotité disponible (90 000 €) : il y a donc lieu à réduction, le  montant de cette réduction est de 110 000 €

Liquidation de la succession

- biens existants : 70 000 €

- indemnité de réduction : 110 000 €

- total : 180 000 €

- part de chacun (180 000 €/ 2) : 90 000 € (au lieu de 35 000 € si la prime de 200 000 €n’avait pas été jugée exagérée)

3°) primes excessives soumises  à rapport et à réduction pour atteinte à  la réserve

 

M.X décède laissant pour lui  succéder M.A et  M.B, ses deux fils

 

Actif de succession = 70 000 €.

 

Contrat d’assurance-vie ayant donné lieu au versement d’une  prime à hauteur de 200 000 €, valorisé au jour du décès 240 000 €.

 

M.A désigné unique bénéficiaire.

 

Le caractère manifestement exagéré de la prime a été établi pour la totalité soit de 200 000 €

Y a-t-il une atteinte à la réserve ?

Masse de calcul de la réserve et de la quotité disponible :

- biens existants : 70 000 €

- prime exagérée : € 200 000 €

- total : 270 000

- Quotité Disponible 1/3 soit 90 000 €; réserve 2/3 soit 180 000 €; réserve individuelle 90 000 €

 

il y a une atteinte à la réserve, la prime (200 000 €) excédant la quotité disponible (90 000 €) La prime manifestement exagérée (200 000 €) s’impute en priorité sur la réserve de M.A (90 000 €) puis sur la quotité disponible (90 000 €).

Il  y a donc lieu :

- à réduction pour le reliquat, soit 20 000 €

- à rapport sur la prime excessive non réduite soit 180 000€

 

Liquidation de la succession

- biens existants : 70 000 

- indemnité de réduction : 20 000 

- prime rapportable : 180 000 

- total : 270 000 

 

M.A :

- reçoit  sa part de réserve  (90 000 €) et sa part de Quotité Disponible consommée (90 000 €)

- est tenu au rapport à hauteur de  180 000 €

- doit une indemnité de réduction due  20 000 €

- la part lui revenant est donc de 0 €

- (+ le capital issu de l’AV : 240 000 €)

M.B reçoit sa part de réserve soit 90 000 € (ce qui correspond aux  biens existants et à l’indemnité de réduction) au lieu de 35 000 si la prime de 180 000 n’avait pas été jugée exagérée. 

III- Héritier lésé par une assurance-vie : réintégration dans la succession de la valeur du contrat en cas de requalification en donation indirecte

Il s’agit d’une solution dégagée par la jurisprudence de la Cour de cassation qui se fonde sur les dispositions de l’article 984 Code civil aux termes duquel « La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l'accepte ».

 

La Cour de cassation pose le principe selon lequel «un contrat d’assurance-vie peut être requalifié en donation si les circonstances dans lesquelles son bénéficiaire a été désigné révèlent la volonté du souscripteur de se dépouiller de manière irrévocable » (Cass. ch. mixte 21-12-2007 n° 06-12.769 ; Cass. 1re civ., 3 mars 2021, n°19-21.420)

 

A- Les critères de la requalification du contrat en donation

 

La requalification en donation du contrat d’assurance vie requiert la réunion de trois conditions :

 

1°) un dépouillement actuel et irrévocable

 

S’agissant du caractère actuel du dépouillement, les juges doivent tenir compte de « l’importance des primes versées » par l’assuré (Cass. 1re civ., 3 mars 2021, n°19-21.420)

Dans son arrêt de 2007, la Cour de cassation relevait que « les primes correspondaient à 82 % » du patrimoine de l’assuré.

Si a priori l’importance de la prime n’influe pas sur la volonté de se dépouiller de manière irrévocable car « On peut vouloir se dépouiller irrévocablement de 100 000 euros, comme de 50 euros. Le montant ne change rien à l’affaire » (RGDA avril 2021, n° 200a9, p. 31 observation Luc Mayaux), il n’en demeure pas moins « que plus le montant des primes est élevé, plus les soupçons que l’assurance relève d’une opération de transmission de patrimoine sont grands. » (Do Carmo Silva J.-M., Krajeski D., Les grandes décisions du droit des assurances, mars 2022 Section 1. - La qualification du contrat)

 

S’agissant du caractère irrévocable du dépouillement, il s’agit d’apprécier s’il existait, lors de la souscription du contrat,  une incertitude  ou non sur la personne qui percevra in fine la valeur du contrat.

S’il est certain que celle-ci reviendra au bénéficiaire en raison de l’imminence du décès de l’assuré, le contrat est dépourvu d’aléa et ne peut en conséquence être qualifiée de contrat d’assurance vie : compte tenu de l’âge et/ou de l’état de santé de l’assuré, il est certain qu’il n’exercera pas sa faculté de rachat du contrat et que le capital ira au bénéficiaire.

Le contrat d’assurance vie se caractérise en effet par l’existence d’un aléa consistant dans l’incertitude de la personne qui, in fine,  recevra les fonds accumulés sur le contrat et qui pourra été soit le souscripteur s’il est en vie au terme du contrat ou s’il le rachète soit le bénéficiaire si le souscripteur décède.

Les circonstances de l’espèce ayant donné lieu à l’arrêt de 2007 (Cass. ch. mixte 21-12-2007 n° 06-12.769), et notamment la modification de la clause bénéficiaire au dernier moment rendaient parfaitement théorique ou illusoire la possibilité d'un rachat par le souscripteur : celui-ci qui se savait, depuis 1993, atteint d'un cancer, avait souscrit en 1994 et 1995 des contrats dont les primes correspondaient à 82 % de son patrimoine. Trois jours avant son décès, il avait modifié la clause bénéficiaire au profit exclusif de la personne qui était depuis peu sa légataire universelle.

Dans une affaire ou le souscripteur avait effectué des versements sur un contrat alors qu’il était en soins intensifs, la Cour de cassation a approuvé la Cour d’appel qui avait estimé que ces versements ne pouvaient être destinés à lui assurer un complément de retraite à cette époque de son existence et dans son état avancé de maladie et qu’en conséquence « une telle situation caractérisait l'absence d'aléa du contrat et excluait la qualification de contrat d'assurance-vie, de sorte que l'article L. 132-13 du Code des assurances n'était pas applicable » (Cour de cassation, 1re chambre civile, 4 Juillet 2007 – n° 05-10.254)

Dans une autre affaire ou le souscripteur « âgé de 93 ans et de santé déclinante, avait souscrit ces contrats d'assurance sur la vie dans les derniers mois de sa vie », la Cour de cassation reproche à la Cour d’appel de ne pas avoir recherché si ces circonstances ne révélaient pas «la volonté du souscripteur de se dépouiller de manière irrévocable et, partant, induisaient leur requalification en donations rapportables à la succession » (Cour de cassation - Cour de cassation, 1re chambre civile, 28 Février 2018 – n° 17-13.269)

 

2°) l’acceptation du donataire

 

Celle-ci peut résulter de l’acceptation du bénéfice du contrat par le bénéficiaire : l'acceptation peut donc etre post mortem puisqu'elle résulte de l'encaissement des fonds. (Cass. ch. mixte 21-12-2007 n° 06-12.769)

 

3°) l’intention libérale du donateur

 

Cette intention renvoi aux utilités que le contrat procure au souscripteur, eu égard aux droits qu’il lui confère (procéder à un rachat, total ou partiel, solliciter des avances, se désigner comme bénéficiaire de la garantie « vie », nantir le contrat, le déléguer) soit à la condition du caractère irrévocable du dépouillement.

 

B- Les conséquences de la requalification du contrat en donation 

 

La requalification en donation est trés avantageuse car elle permet, grace aux mécanismes du rapport et de la réduction des libéralités, la réintégration dans la succession de la valeur du contrat donc des plus-values et non pas uniquement des primes versées.

IV- Héritier lésé par une assurance-vie : délai pour contester le contrat d’assurance vie

A- La demande de rapport à la succession doit etre formulée dans un délai maximum de 5 ans à compter de la cloture des opération de partage 

 

Aux termes de l’article 892 Code civil, lorsqu’un bien indivis a été omis du partage, il est possible de demander un partage complémentaire portant sur ce bien. La recevabilité de l’action en partage complémentaire est soumise à la condition qu’un bien indivis a été omis lors des opérations de partage, à défaut d’omission, l’action est irrecevable. L’action en partage complémentaire est imprescriptible (Cour de cassation, 1re chambre civile, 20 Novembre 2013 – n° 12-21.621) 

 

Dès lors peut-on considérer que la demande tendant au rapport des libéralités faites par voie d’assurance-vie étant une demande de partage complémentaire, cette demande est imprescriptible et peut être exercé sans condition de délai  ? ou doit-on considérer que la demande de rapport à la succession de l’assurance vie est soumise à la prescription de droit commun de 5 ans de l’article 2224 Code civil ?

 

Il résulte d’une décision de la Cour de cassation (Cour de cassation, 1re chambre civile, 31 Mars 2021–n°19-20.054) que la demande de rapport  à la succession d’une assurance vie est soumise la prescription extinctive soit au délai de prescription de droit commun de 5 ans de l’article 2224 Code civil aux termes duquel "Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer."

 

Cette décision confirme en effet un arrêt rendu par la Cour d’appel d’Orléans (Cour d'appel d'Orléans, Chambre civile, 28 mai 2019, n° 18/01956) qui a retenu que l’héritier, qui exerçait une action en rapport à la succession de l’assurance vie plus de 5 ans après la clôture du partage faite par le notaire, avait « eu connaissance de l'existence de ces contrats d'assurance-vie lors du partage » et qu’en conséquence son action était prescrite.

 

Le point de départ du délai de 5 ans est la clôture des opérations de partage effectué par le notaire.

 

Cependant ce point de départ est repoussé si l’héritier demandeur au rapport ignorer lors de la clôture des opérations de partage l’existence du contrat d’assurance vie : dans cette situation, le délai de prescription de 5 ans commencera à courir à compter de la date ou il connaîtra son existence.

 

Une fois que cette prescription est acquise, il n’est plus possible de demander le rapport sauf si le partage précédemment opéré n’a été que partiel c’est-à-dire si certains biens ont été omis lors du partage (Cour de cassation, 1re chambre civile, 24 Mai 2018 – n° 17-18.270) : comme le dit le professeur Luc Mayaux Professeur à l’université Jean-Moulin (Lyon 3) « Le rapport, notamment des primes manifestement exagérées, sera alors possible, à l’occasion d’un partage complémentaire. Mais c’est seulement à cette occasion, le rapport ne provoquant pas à lui seul un tel partage. Il faut d’autres biens. »(RGDA N° 7 - Juillet 2018 page 357)

 

B- L'action en réduction de l'assurance vie doit etre formulée dans le délai maximum de 5 ans à compter du décés de l'assuré 

 

L'article 921, alinéa 2, du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n°2006-728 du 23 juin 2006 dispose que «Le délai de prescription de l'action en réduction est fixé à cinq ans à compter de l'ouverture de la succession, ou à deux ans à compter du jour où les héritiers ont eu connaissance de l'atteinte portée à leur réserve, sans jamais pouvoir excéder dix ans à compter du décès

 

Il résulte de ce texte que, pour être recevable, l'action en réduction doit être intentée dans les cinq ans à compter du décès ou, au-delà, jusqu'à dix ans après le décès à condition d'être exercée dans les deux ans qui ont suivi la découverte de l'atteinte à la réserve. (Cour de cassation, 1re chambre civile, 7 Février 2024 – n° 22-13.665)

Praticien expérimenté du droit de l'assurance vie, Maître Jacques VOCHE conseille, assiste et défend les bénéficiaires de contrats d'assurance-vie devant toutes les juridictions de France.

 

Si vous estimez etre lésé par une assurance vie et souhaitez la voir réintégrer dans la succession, je vous invite à me contacter afin de déterminer préalablement à la saisine du Tribunal, le fondement juridique le plus opportun à retenir  compte tenu des données factuelles et évaluer les chances de succés d'une telle demande ainsi que son impact sur la part successorale à laquelle vous pourriez prétendre si la demande était acceptée. 

Avant d'initier une procédure judiciaire, il est en effet raisonnable et opportun d'effectuer préalablement un "audit" juridique de la situation afin d'apprécier les chances de succès de la procédure envisagée et ainsi éviter les déconvenues tels qu'engager des frais inutiles pour une procédure perdue d'avance.

 

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